Le Service de Renseignement ALLIANCE

 

 

"Il s'agit sans doute du réseau de renseignement le plus connu après la Confrérie Notre-Dame grâce à Marie-Madeleine FOURCADE, qui s'appelait alors MERIC, qui fut à la fois son égérie et pendant plusieurs mois son chef. Le titre du récit qu'elle a tiré de l'histoire du réseau, "L'Arche de Noé", renvoie au nom que la police allemande lui avait attribué puisque ses membres se cachaient derrière des pseudonymes d'animaux. Considéré comme le plus important des réseaux dépendants de l’Intelligence Service (IS), revendiquant 3.000 membres, implanté d’abord en zone sud puis s’étendant dans les zones occupées et interdites à partir de 1942, Alliance concentre les traits les plus caractéristiques d’un type de Résistance qui se veut essentiellement nationale et militaire. Cette orientation tient à ses origines et à son recrutement."

 

 

"Le réseau est né de l’initiative du commandant Georges LOUSTAUNAU-LACAU, officier nationaliste, héros de la guerre de 1914, spécialiste du renseignement et exclu de l’armée en 1938 pour y avoir créé, sous le Front Populaire, un groupe clandestin anticommuniste, Corvignolles, proche un temps du Parti Populaire Français. Réintégré dans l’armée à la déclaration de guerre, rejoignant le maréchal PETAIN (il avait été membre de son cabinet au ministère de la Guerre), nommé délégué national à la Légion française des combattants, il se lance aussitôt dans l’action contre l’occupant, croyant, comme son ami le colonel GROUSSARD, que le régime nouveau préparait la revanche. Cherchant une aide extérieure, il rédige un appel à la « Croisade » à destination de Londres. En dépit de l’aide du capitaine FOURCAUD, son projet, critique à l’égard de la France libre et irréaliste dans ses demandes en moyens, est repoussé par le général de GAULLE. En revanche, l’IS, en manque de relais français, accepte de le soutenir.

La rencontre de Navarre avec le commander COHEN à Lisbonne, le 14 avril 1941, scelle la naissance d’Alliance-Navarre un mois plus tard. Le réseau appartient donc au premier contingent de déçus du pétainisme passés à la Résistance. L’une de ses forces est de conserver des relais dans l’appareil militaire et diplomatique du régime. La politique de l’amiral DARLAN met fin, pour eux comme pour d’autres (COCHET, GROUSSARD), aux illusions d’activités semi-légale – le commandant Léon FAYE, chargé d’étendre le réseau en Algérie, est arrêté le 25 mai 1941, Navarre le 18 juillet ; leur procès se tient à Clermont-Ferrand le 15 octobre. Cependant, Alliance reste implanté dans les milieux pétainistes. Il se nourrit des dissidences du régime, en témoigne la création de son sous-réseau Druides par l’encadrement des Compagnons de France en 1943. Devenu l’une des pièces maîtresses de l’IS, le réseau est utilisé par les Britanniques pour s’entremettre avec le général GIRAUD. FAYE, qui a repris le combat aussitôt libéré de prison en novembre 1941, se charge de cette liaison lorsqu’il part en mission à Londres en août 1942. Alliance assure par ailleurs le départ du général vers l’Algérie en novembre 1942 et devient dès lors l’un des éléments de la résistance giraudiste à laquelle il est intégré officiellement en septembre 1943. Le réseau ne rejoint le Bureau Central de Renseignements et d’Action qu’au moment de la fusion entre les services d’Alger et ceux de Londres au printemps 1944.

Alors que Navarre, condamné à deux ans de prison, puis interné, est finalement déporté par les Allemands, le réseau est dirigé par Marie-Madeleine MERIC, Hérisson, et le commandant FAYE, Aigle, puis Paul BERNARD, Martinet. Grâce aux moyens fournis par l’IS, son extension est considérable. Le nombre de ses émetteurs passe de 5 en mai 1941 à 17 en juin 1944, ses agents d’une centaine à près de 900. Il bénéficie d’opérations aériennes dès la fin de 1941, puis de liaisons maritimes en Bretagne et en Méditerranée. Ses chefs peuvent se rendre en Angleterre à plusieurs reprises. Réseau à vocation principalement militaire, il recrute d’abord dans le milieu qui est celui de ses chefs, parmi les anciens de Corvignolles, dans l’armée, chez les hauts fonctionnaires, les cadres, les professions libérales ou des juristes comme Me Joannès AMBRE, René CAPITANT, Jacques DARRIBERT ou Joseph SAINT-GERMES. Certains de ses membres, comme l’avocat Louis JACQUINOT ou l’homme d’affaires Jean ROGER, Sainteny, responsable du secteur normand, feront après guerre une carrière politique de premier plan. Cette sociologie, classique dans le monde du renseignement, va de pair avec un ancrage politique qui se tient fermement à droite.

Tout au long de l’histoire du réseau, la répression fait des ravages dans ses rangs. La trahison de Jean-Paul LIEN est ainsi responsable de la chute de 150 de ses membres à l’automne 1943, dont le commandant FAYE à son retour de Londres. Une partie d’entre eux est jugée par le Tribunal de guerre du Reich, au cours d’un procès spectaculaire à Fribourg-en-Brisgau le 28 juin 1944. Les condamnés à mort sont fusillés le 21 août ou, comme FAYE, assassinés plus tard. Le réseau compte au total 431 morts. Parmi les derniers tombés, Georges LAMARQUE, Pétrel, le chef des Druides, pris le 8 septembre 1944 derrière les lignes ennemies en Lorraine. Il sera fait Compagnon de la Libération, comme Jean SAINTENY, une distinction qui ne sera pas attribuée aux chefs du réseau."

 

Par Jean-Marie GUILLON (Dictionnaire historique de la Résistance - © Éditions Robert Laffont – collection Bouquins - 2006)

*    *    *

 

À l'actif du réseau Alliance figurent les relevés des rampes de lancement des armes secrètes, les informations immédiates sur le mouvements des escadrilles, des navires de ravitaillement et des sous-marins dans l'Atlantique ainsi que la carte complète des installations allemandes sur les plages de Normandie. Ce réseau bénéficie d'une aide très importante des services secrets britanniques qui le reconnaisse comme la plus efficace centrale indépendante de renseignements en France occupée. Les informations sont collectées par des patrouilles de 2 à 3 hommes et transmises par diverses voies.

 

Le Général de GAULLE qualifiera ce réseau de "l'un des premiers et plus importants services de renseignement sous l'Occupation". Le dossier de liquidation du réseau, conservé au Service Historique de la Défense à Vincennes sous la cote 17 P 72 (DIMI) précise, outre la liste quasi-complète des agents du réseau, l'état suivant :

                                                                                            TOTAL : 2.407

Mémorial du réseau Alliance de l'Association Amicale Alliance - 12,7Mo

"Comment naquirent les premiers réseaux de la Résistance" de Marie-Madeleine FOURCADE (Revue HISTORAMA N° 247 - juin 1972) - 1,9 Mo

Edmond MICHELET, Jacques SOUSTELLE et Marie-Madeleine FOURCADE

 

Georges LOUSTAUNAU-LACAU


Ce béarnais né à Pau le 17 avril 1894 est entré à Saint-Cyr en 1912 avant d'être le condisciple de Charles de GAULLE à l'École de guerre. Il appartient aux états-majors de WEYGAND et de LYAUTEY avant de devenir officier détaché à celui du maréchal PETAIN entre 1934 et 1938 en succédant à de Gaulle au poste d’écrivain d’État-major. Il est l'initiateur en 1936 d'un service de renseignement anticommuniste dans l'armée. Démis de ses fonctions par le gouvernement Daladier, présenté comme un «officier d’aventure», il fonde l'Union militaire française. Homme politique d’extrême droite, il dirige le périodique l’Ordre national qui publiera les plans de bataille allemands. Son nom apparaît surtout lors de l’affaire de la Cagoule où il est le fondateur du réseau Corvignolle, organe de la Cagoule militaire.

Il est réintégré en septembre 1939 puis arrêté au front, le 22 mars 1940, sur ordre de Daladier, président du conseil, et enfermé à la forteresse de Mutzig près d’Obernai. Libéré, au cours de l'été et de l'automne 1940, avec quelques appuis -dont celui du colonel GROUSSARD, commandant en second de Saint-Cyr en 1940- il poursuit à Vichy ses activités de renseignement et d'action souterraine. Il agit alors dans un sens tout à la fois antiallemand, anticommuniste et antigaulliste. Nommé en septembre 1940 délégué général de la Légion française des combattants dont le siège était à l’hôtel des Sports à Vichy, il entreprend d'y recruter des agents qui établiront des liaisons avec les services anglais et fonde le réseau "Navarre" (son nom de plume) qui, devenu le réseau "Alliance", sera plus tard dirigé par Marie-Madeleine FOURCADE.

Xavier VALLAT le renvoie de la légion en novembre 1940. Passé en Afrique du Nord, il est arrêté pour dissidence par le général WEYGAND en mai 1941. Évadé, il reprend le maquis en France. Arrêté, livré à la Gestapo, il est déporté en juillet 1943 au camp de Mauthausen.

Après la guerre il entame un nouvelle carrière politique et est élu le 17 juin 1951 député des Pyrénées atlantiques (groupe des Français Indépendants). Il meurt à Paris le 11 février 1955.


Par Jean-Paul COINTET (Dictionnaire historique de la France sous l'occupation - Editions Taillandier) 

Voir également les sites de M.E.R. & de l'Assemblée nationale

 

Marie-Madeleine FOURCADE


"Née le 8 novembre 1909 à Marseille, Marie-Madeleine BRIDOU est élevée dans des institutions religieuses. En 1937, elle est secrétaire générale des publications anticommunistes "L'ordre national" dirigées par le commandant Georges LOUSTAUNAU-LACAU. C’est de ce saint-cyrien qu’elle recueille la charge du réseau Alliance dont elle fait, au service de l’Intelligence Service britannique, l’Arche de Noé, forte de trois mille agents dont quatre cent trente-huit mourront pour la France tels Alfred JASSAUD, le Bison de "L’Armée des ombres" qui avait dit : "La victoire, c’est le sacrifice". Issue de la grande bourgeoisie, l’ancienne responsable du périodique L’Ordre national s’aperçut vite que trop de ses anciennes relations rêvaient de "tâches de rénovation en commun" avec les occupants nazis. À Vichy, elle fut envahie par "une douleur pétrie d’humiliation et de rage impuissante".

Chef d’état-major clandestin de LoustaUnau-Lacau qu’elle remplace après son arrestation, elle ne remet jamais en cause le principe d’une affiliation directe "aux Anglais qui seuls conduisaient la guerre", et ce n’est qu’en avril 1944 que le S. R. Alliance est intégré aux services spéciaux de la France combattante. Les femmes et les hommes d’Alliance veulent livrer un "combat sans idole", complémentaire de l’action nationale du général de Gaulle, mais ils sont plus dans la ligne du général Giraud qu’ils aident à quitter la France. Les questions de souveraineté nationale ne sont pas du ressort de ces techniciens du renseignement dont le premier chef avait soutenu que plus il y aurait de mouvements parallèles, plus la France libre serait forte. Lorsqu’elle devient gaulliste à part entière, Marie-Madeleine Fourcade est amenée à regretter ces "barrières absurdes" et le tournoi entre Français "pour conquérir l’honneur d’être les plus forts face à l’adversité".


Le S.R. Alliance organise le quadrillage en secteurs de la zone non occupée pour recueillir des informations, faire tourner des courriers, organiser le passage d’hommes et de renseignements tant à travers la ligne de démarcation qu’à travers la frontière espagnole. Le cœur du réseau est la centrale de renseignements où s’analysent les données recueillies et se préparent les missions en fonction des demandes britanniques. Opérationnelle à Pau au début de 1941, elle fonctionne ensuite à Marseille puis à Toulouse avec un P.C., un point de chute, des points d’hébergement et de filtrage. Les six personnes du noyau de base de juin 1940 se retrouvent plus de cinquante dès la Noël de 1940. "Unis dans l’allégresse d’une confiance inébranlable", ils sont les recruteurs de près de trois mille agents. L’improvisation due à la défaite oblige à "n’utiliser que des volontaires, parfois plus turbulents qu’efficaces", mais la conception des noyaux – une source, une boîte aux lettres, un transmetteur, un radio pour les urgences - donne des résultats très positifs, même si les insuffisances du cloisonnement facilitent la répression.
À l’automne de 1941, le réseau de Marie-Madeleine Fourcade, ce sont six émetteurs radio qui transmettent à Londres et l’esquisse d’une aérospatiale clandestine par avions lysanders.


Ce sont les agents de liaison qui sont chargés des services les plus ingrats : "des milliers de kilomètres par voie ferrée, des attentes interminables aux rendez-vous, des transports à vélo incessants de plis et de matériel compromettants".

 

Dévouement et sens de l’organisation donnent des résultats. Les renseignements s’ordonnent par secteurs : air, mer, terre, industries, résultats de bombardements, transports en cours d’opération, psychologique et politique. Les indications sur les U-Boot présents en Méditerranée, sur ceux des bases de Lorient et de Saint-Nazaire servent à la guerre anti-sous-marine conduite par les Alliés pour protéger les convois de l’Atlantique. D’autres renseignements facilitent l’interception des renforts italiens envoyés à Rommel, permettent la connaissance précise des travaux de l’organisation Todt pour le mur de l’Atlantique et la mise au point d’une carte renseignée détaillée pour la zone du débarquement en Normandie (elle faisait 17 mètres de longueur !). Tous les auteurs de cette carte tombent ensuite aux mains de la police allemande, Gibet dans le langage codé du réseau. Ils sont massacrés à la prison de Caen, le 7 juin 1944. Le premier des quatre cent trente-huit martyrs du réseau est Henri Schaerrer, fusillé le 13 novembre 1941 pour avoir livré de précieux renseignements sur les sous-marins allemands. L’Abwehr, la Gestapo et la police française provoquent des hécatombes à l’automne 1943 : plus de trois cents arrestations paralysant cinq centres émetteurs. Le réseau paye un lourd tribut d’arrestations, de déportations, de morts.


Malgré la peur et le chagrin, l’Alliance – Arche de Noé dont tous les membres portaient des noms d’animaux – se resserre autour de Marie-Madeleine Fourcade, alias Hérisson. Des opérations en lysanders et en sous-marins, des émissions de radio manifestent que le réseau continue. Après trente-deux mois de clandestinité, Hérisson connaît Londres, où elle s’irrite des "antagonismes criminellement puérils des services secrets" et perçoit que ses camarades ne sont que "la chair à canon du Renseignement". Soixante-quinze agents principaux, huit cents secondaires, dix-sept postes travaillent en juin 1944.


C’est une des raisons qui la fait revenir sur le terrain, en Provence, avant le débarquement d’août 1944 et qui l’incite à poursuivre des missions dans l’Est après la libération de Paris.

La victoire de 1945 permet de découvrir des charniers d’agents, et Hérisson plonge dans un "abîme de douleur" pour établir le sacrifice de quatre cent trente-huit des siens, du benjamin Robert Babaz (20 ans) à la doyenne Marguerite Job (70 ans) et au doyen quasi octogénaire, Albert Legris, ou à des familles entières, tels le père et les trois fils Chanliau, agriculteurs. Pour Marie-Madeleine Fourcade, les survivants sont la priorité absolue. Elle contribue à arracher un statut pour les veuves et les orphelins ; en 1948, on en compte dix-huit mille dépendant du comité des œuvres sociales de la Résistance.

 

Elle fait homologuer les trois mille membres de son réseau et les actions de ses héros qui ont lutté dans l’ombre, librement disciplinés, "l’imperméable pour uniforme".


Elle continue à travailler pour l’Intelligence Service qu’elle avertit de menées communistes en 1946-1947. Elle se lance surtout dans l’aventure gaulliste, animant pour le R.P.F. la campagne du timbre. Après le retour du général de Gaulle, elle intègre la convention républicaine dans l’Union pour la Nouvelle République et siége au comité central de l’U.N.R. Elle est l’une des représentantes R.P.R. à l’Assemblée des Communautés européennes en 1981-1982 et préside la Défense des intérêts de la France en Europe.


Présidente du Comité d’Action de la Résistance à partir de 1963, Marie-Madeleine Fourcade fédère dans ce comité une cinquantaine d’associations ou d’amicales d’anciens résistants. Elle contribue à éclairer la réalité du nazisme et du génocide juif. C’est dans cette perspective qu’elle est, en 1987, témoin à charge au procès Barbie. Elle y fait preuve de la même vigueur que dans ses luttes passées et dans le récit des activités de son réseau paru chez Fayard, en 1968, sous le titre "L’Arche de Noé".

Marie-Madeleine Fourcade a lutté jusqu’au bout, en militante, notamment pour une solution pacifique de la crise libanaise. Elle est morte le 20 juillet 1989. Première femme dont les obsèques ont eu lieu en l’église Saint-Louis-des-Invalides, à Paris, où son corps, porté par des soldats du contingent, fut salué par les tambours de la garde républicaine, Marie-Madeleine Fourcade a ainsi reçu un hommage exceptionnel. Au-delà de l’affliction personnelle exprimée par le Président de la République, la présence aux Invalides de toutes les tendances de la Résistance a marqué qu’elle restait un emblème unificateur de l’Armée des ombres, fidèle au message du commandant Faye, son compagnon supplicié : chassez les bourreaux, servez la France "pour y faire revenir la paix, le bonheur, les chansons, les fleurs et les auberges fleuries".


Par Charles-Louis FOULON (Encyclopaedia Universalis)

 

"Georges Lamarque est né le 1er novembre 1914 à Albertville. Son père qu'il n'a pas connu, agrégé de philosophie et normalien, est mort pour la France au cours de la bataille de la Marne en septembre 1914. Élève brillant du Lycée Henri IV à Paris, Georges Lamarque entre à l'École Normale Supérieure et en sort agrégé de mathématiques en 1938.

 

Mobilisé en 1939 en qualité d'officier de D.C.A., il est blessé sur la Loire au cours de la retraite de 1940 et décoré de la Croix de Guerre. N'acceptant pas l'armistice, il milite dès le mois de juillet 1940 dans le service radio-électrique du réseau "Étoile" qui est rapidement décimé. Démobilisé, il est détaché par le Ministère de l'Éducation Nationale au Ministère de la Jeunesse et accepte un poste de chargé de mission au sein du Centre National des Compagnons de France dont il devient au bout de deux ans Inspecteur Général.

 

De son poste de commandement, installé au château de Crépieux-la-Pape dont il a fait un collège d'enseignement technique, il met en place un vaste réseau d'information couvrant la zone sud destiné à contrecarrer la propagande allemande. Il entre en 1942 au réseau "Alliance". Sous le nom de "Petrel", il est d'abord chargé des questions de liaisons radio et doit étudier l'implantation sur tout le territoire des postes émetteurs que reçoit le réseau par parachutage, renforcer les centrales existantes ou en créer d'autres avec de nouveaux opérateurs.

 

Au début de 1943, il est spécialement chargé de la création du sous-réseau "Druides" qui recrute notamment parmi les Compagnons de France y compris après la dissolution de cet organisme par le gouvernement de Vichy pour "menées antinationales". Il forme des agents et des cadres pour les Forces Françaises Combattantes et adresses de très nombreux rapports d'espionnage à Londres. Bien que recherché par la Gestapo, il sillonne la France dans les tous les sens pendant de longs mois. Il occupe notamment le château de la pape à Rillieux La Pape (69), transformé en poste de commandement où il enseigne à des apprentis les moyens techniques de contrecarrer la propagande allemande. 

 

 

Dans la nuit du 15 au 16 juin 1943, il décolle clandestinement du terrain de Bouillancy près de Paris à destination de l'Angleterre, car le War Office britannique, impressionné par la qualité de ses rapports sur l'implantation des défenses de l'ennemi, a demandé sa venue à Londres afin qu'il puisse prendre contact avec des spécialistes et acquérir de nouvelles techniques.

De retour en France, sur le même terrain d'aviation, dans la nuit du 17 au 18 juillet, il reprend ses activités de renseignement immédiatement. Le mois suivant, "Petrel" adresse à Londres un rapport, d'une importance telle qu'il remonte jusqu'à Churchill, concernant les nouvelles armes allemandes V1 et V2 dont les Alliés, jusque là, ignorent quasiment tout. À la veille de la libération de Paris, il considère comme son devoir de poursuivre le combat contre l'envahisseur et part à bicyclette, accompagnant les Allemands dans leur retraite, derrière les lignes ennemies pour renseigner les armées alliées. Accompagné de son radio, Clément Defer alias "Alouette", il s'installe à Luzé en Haute-Saône dès le 19 août 1944. Il transmet de nombreux rapports radio depuis la maison vide d'un sympathisant et réussit plusieurs liaisons avec le groupe de Marie-Madeleine Fourcade installé près de Verdun. Il réclame à plusieurs reprises des parachutages d'armes pour la résistance locale.

Le 8 septembre 1944, alors qu'il vient d'être rejoint par un de ses adjoints, Louis de Clercq dit "Bazin", le village est investi par les supplétifs de l'armée Vlassov, rejoints par un groupe du SD de Belfort. Détectés par la radiogoniométrie allemande, Georges Lamarque et ses deux camarades, refusant de fuir pour éviter des représailles sur la population civile, se rendent aux nazis le jour même à 15 heures ; en seule réponse à leur courage, ils sont interrogés brutalement et fusillés à 20 heures 30 dans un champ voisin puis inhumés dans une fosse commune. En représailles, le pâté de maisons qui les abritait est incendié. La police allemande donne juste le temps aux malheureux habitants de prendre quelques effets et de sauver le bétail. À Londres, on s'étonne au bureau des opérations aériennes : «Nos avions ont tourné la nuit dernière au-dessus du terrain signalé par Pétrel et n'ont vu que des villages en flammes. Le parachutage n'a pu avoir lieu».

 

 

Georges Lamarque, nommé commandant à titre posthume, a, dans un premier temps, été inhumé au cimetière de Luzé puis, à la demande de sa mère, dans le cimetière de Bassens en Haute-Savoie.

 

Il a été fait Chevalier de la Légion d'Honneur, Compagnon de la Libération par décret du 7 août 1945 ; il a été décoré de la croix de Guerre 39/45 et médaillé de la Résistance."

 

Par Vladimir TROUPLIN (Musée de l'Ordre de la Libération)

 

"Jean ROGER est né le 29 mai 1907 au Vésinet dans les Yvelines. Après des études aux lycées Condorcet et Janson de Sailly à Paris, il entre tôt dans les affaires et, dès 1929, fait connaissance avec l'Indochine où il séjourne près de trois ans, travaillant dans le secteur bancaire. De retour en France en 1932, il fonde une affaire dans la banque et les assurances qui ne cesse de se développer jusqu'à la guerre. Mobilisé en 1939 dans l'armée de terre, il se porte volontaire pour un stage d'observateur en avion. Après l'armistice, démobilisé, il se range du côté de ceux qui veulent continuer la lutte. Dès l'automne 1940, il commence à grouper autour de lui, dans le Cotentin, des éléments résolus à résister à l'occupation. Il recueille ainsi peu à peu des renseignements de grande importance sur l'état et l'organisation des défenses allemandes.

Il est par ailleurs, à partir d'octobre 1940, en contact avec le fondateur du réseau de renseignements "Alliance",  Georges LOUSTAUNAU-LACAU (alias Navarre). Jean ROGER, devenu Jean SAINTENY, est arrêté une première fois par la Wehrmacht en septembre 1941 à Colleville-sur-Mer. Incarcéré à Caen et traduit en cour martiale, il est relâché faute de preuves un mois plus tard. Il poursuit son activité, effectuant des missions de liaison en zone sud et franchit 13 fois la ligne de démarcation clandestinement.

Au début de 1942, il met définitivement son réseau normand au service d'Alliance, dans lequel il fait entrer son beau-frère Michel FOURQUET. Il organise par ailleurs, l'évasion de la prison de Gannat de Claude HETTIER DE BOISLAMBERT et Antoine BISSAGNET en décembre 1942 et facilite le départ de nombreux volontaires pour les Forces françaises libres. SAINTENY prend bientôt en main toute la Normandie pour le compte d'Alliance puis la région nord-est de la France. Démasqué en 1943, il est arrêté par la Gestapo le 16 septembre mais réussi a lui échapper deux heures plus tard ; il doit alors vivre dans la clandestinité la plus absolue. En mars 1944, suivi de très près par la Gestapo, "Dragon" - alias Jean SAINTENY  - gagne l'Angleterre par Lysander depuis la région d'Angers. Mais l'arrestation les 16 et 17 mars de nombreux agents et du chef d'Alliance, Paul BERNARD, entraîne son retour imprévu en France au bout de trois semaines, malgré les risques encourus.

Il parvient alors à réorganiser le réseau décimé par de récentes arrestations.

Le 7 juin 1944, trahi, il est arrêté avec un camarade à Paris par la Gestapo après une poursuite mouvementée en voiture. Interrogé par la Gestapo rue des Saussaies, il est torturé à un tel point qu'il est envoyé dans un état critique à l'Hôpital de la Pitié. Miraculeusement guéri, il n'en a pas encore fini avec la Gestapo qui le transfère à nouveau rue des Saussaies pour des interrogatoires complémentaires. Se sachant condamné à une mort certaine, dans la nuit du 4 au 5 juillet 1944, il réussit à s'évader en sciant un des barreaux de sa fenêtre, grâce à la complicité d'un de ses geôliers. Il quitte Paris, traverse les lignes et arrive au Mans, le 16 août, à l'Etat-major de la 3e Armée américaine du général PATTON. Chargé de mission par celui-ci, il retourne à Paris le 19 août et rapporte deux jours plus tard au général américain des renseignements précieux sur la capitale.

Ensuite, volontaire pour l'Indochine, il prend, en mars 1945, la direction de la mission militaire française à Kunming ; il est ainsi le premier officier français à reprendre pied à Hanoï après l'effondrement japonais. Nommé Commissaire de la République pour le Tonkin et le Nord Annam en octobre 1945, l'agitation révolutionnaire annamite est à son comble quand Jean Sainteny avec une poignée de compagnons s'installe au Palais du Gouvernement général. Il réussit à négocier avec HO CHI MINH les accords du 6 mars 1946 qui permettent au général LECLERC d'entrer à Hanoï sans combattre.

Jean SAINTENY rentre en France en avril 1946 pour y préparer le séjour de HO CHI MINH, invité officiel du Gouvernement français à la conférence de Fontainebleau qui doit définir la position du Vietnam dans l'Union Française. Lorsque éclatent les troubles d'Haïphong en novembre 1946, Jean SAINTENY est dépêché à Hanoï par le Gouvernement français. Arrivé seulement le 6 décembre, le 19 il est laissé pour mort dans les combats de rue survenus au cours des événements sanglants qui marquent le début de la guerre d'Indochine. Grièvement blessé, il assume de nouveau cependant, quelques jours plus tard, ses fonctions et reprend officiellement possession du Palais du Gouvernement.

En mars 1947, il est rappelé à Paris pour assister le gouvernement au cours des débats sur les affaires d'Indochine. Prévoyant les suites inévitables de l'engrenage indochinois, il demande et obtient, en décembre 1947, sa mise en disponibilité. Dès lors, il occupe les fonctions de gouverneur des Colonies. En 1954 il est rappelé en activité et nommé délégué général de France au Nord-Vietnam.

En 1958 il rentre en France et devient un des leaders de l'Association nationale pour le soutien de l'action du général de GAULLE. La même année, il est nommé membre du Conseil de l'Ordre de la Libération. De 1959 à 1962, il est Commissaire général au Tourisme. Elu député de Paris, il entre au Gouvernement Pompidou en qualité de Ministre des Anciens Combattants et Victimes de Guerre (décembre 1962-janvier 1966). En 1967 il publie Histoire d'une paix manquée relatant les troubles d'Haiphong en 1946 et ses souvenirs d'Indochine. Membre du conseil d'administration d'Air France (1967-1972), il est également président du conseil d'administration de l'Office général de l'Air à partir de 1969. De mars 1968 à mars 1977, il est membre du Conseil constitutionnel. A partir de 1969, continuant à s'intéresser aux affaires vietnamiennes, il met en contact le Président NIXON et Henry KISSINGER avec les Nord-vietnamiens pour organiser les négociations secrètes qui doivent mettre un terme à la guerre du Vietnam.

Jean SAINTENY est décédé subitement le 25 février 1978 à Paris. Ses obsèques se sont déroulés en l'Église Saint-Louis des Invalides à Paris. Il a été inhumé à Aignerville dans le Calvados.

Il était Grand Officier de la Légion d'Honneur, Compagnon de la Libération par décret du 22 décembre 1945, titulaire de la Médaille Coloniale avec agrafe "Extrême-Orient", de la Croix de Guerre 39/45 (4 citations) et de la Croix de Guerre des TOE ainsi que médaillé de la Résistance avec rosette."


Par Vladimir TROUPLIN (Musée de l'Ordre de la Libération)

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